L’empreinte des histoires sur la terre

« Quand on avait vu la lumière de la nuit, comme ça, sans vitre entre elle et les yeux, on connaissait tout d’un coup la pureté, on s’apercevait que la lumière du fanal, avec son pétrole, était sale, et qu’elle vivait avec du sang charbonné. »
Jean Giono, Que ma Joie demeure

J’étais perchée avec bonheur sur ma fenêtre, à hauteur des cimes d’arbre et des chants d’oiseaux, au royaume des feuilles bruissant les prémices de l’automne, quand un feuillet d’autre sorte me fit basculer de mon perchoir.

Vous le savez ou ne le savez pas, une grande bataille se joue en ce moment  aux Etats-Unis et au Canada, sur la question des sables bitumineux de l’Alberta, cette source de pétrole à la saleté extrême. Lire la suite

Sentier de pierres, lumière en reflet

« Sous toutes les voix refusantes, et les cœurs négatifs, il y a ceci, il y a la couleur que tu es : celle des yeux qui ne veulent rien d’autre que la lumière. »
Léa Silhol, « Désaccordé (Tuned in DAGDAD) »

Ne pas croire que dans un monde de nucléaire, il ne reste plus, en guise d’énergie à laquelle carburer, que la colère.

Ne pas croire qu’un ciel gris soit mauvais temps, ou humeur morose. La grisaille est dans le volet des regards fermés ; aux cieux, le fabuleux nuancier du gris, et les jeux de lumière.

Ne pas croire que la victoire de la laideur soit fatale, sa voie facile à arpenter. Le béton n’a rien à refléter, rien à nuancer. Toute couleur y prend des allures ternes de vieux chewing-gum, toute texture étrangère, toute matière déposée est vouée au coup de balai, ou au rouleau-compresseur de l’assimilation.
Il y a d’autres chemins, routes où les pieds dénudés se déchirent sur les cailloux, où les regards déchaussés se coupent aux couleurs, rivières de pierres et flots de lumière. Où noirceur et lueur partagent les jeux de sens du paroxysme et de l’oxymore, la conjugaison et la fulgurance.
La voie de la beauté est ramifiée de sentiers qui sillonnent le monde. Sous chaque pas elle se déploie, même ceux que l’on frappe au rythme de la rage.

« The degree of our awareness is the degree of our aliveness. »
Terry Tempest Williams, Finding Beauty in a Broken World

Et donc, aujourd’hui, comme un besoin et une envie particulière de me poser sur une des pierres de ce sentier, quitter le flot d’une humanité parisienne clapotant tristement sur le ressac de la reprise, et juste regarder. Célébrer. Lire la suite

Ciné Dimanche

J’étais partie par là, traçant la route sur les pistes de souffrance aborigènes, et la résiliente voie des rêves

Hasard du surf, j’atterris par ici, sur le projet Wild Touch, et, les yeux brillant, y posai mon paquetage pour le soir. Soirée ciné, soirée rêves éveillés ; ciné-voyage, ciné sauvetage, tant à la majesté écrasante de cette beauté se mêle la conscience, crucifiante, d’une urgence, de l’imminence d’une disparition…

C’était la forêt des pluies
(lien vers la vidéo sur Viméo, sorry, pas le droit de l’importer directement sur wp)

Prologue à un plus vaste projet réunissant le cinéaste Luc Jacquet et le botaniste et inlassable avocat de l’arbre Francis Hallé, C’était la forêt des pluies présente les précieuses images ramenées lors d’un voyage de repérage en Guyane, en 2010. Les images, et l’émotion…
Impression, au coeur de cette forêt primaire, de sentir circuler une joie, primaire aussi, comme une joie de gosse, une ivresse de vie, sans les mines blasées qui servent tant de filtres aux perceptions plus adultes. Un émerveillement qui se manifeste jusque dans les représentations ‘schématiques’ des lieux…

Totale vibration. Totale empathie, aussi, avec le témoignage d’un homme, et son incompréhension face à destruction, son refus. Comment, alors qu’il nous fait partager la merveille d’une telle forêt, ne pas partager en retour ce regard, et sa peine…

… De liane en lien, un autre regard, dans l’empathie toujours, et une douleur accrue. Un regard d’orang-outan victime des dévastations liées à l’huile de palme, et dans ce regard, dans la respiration du corps, dans les gestes manuels, toute la poignante fragilité d’un monde massacré. On retient le souffle, non la colère :

Green

*

… Pas de mots pour conclure ce court billet. La soirée est aux images, vouées peut-être à perdurer au-delà des immémoriaux écosystèmes dont elles témoignent…

(Photo © Alexander Torrenegra, sous licence CC-By 2.0)

Petites graines cristallisées

Je me demande si j’ai jamais approché
La première graine, l’origine, au point de l’apercevoir,
Et où cela a pu se produire.
J’ai déjà pensé à cela, dit le Coyote.
Il me semble l’avoir vue
Une fois
Dans le reflet d’une très vieille couche de mica.
J’étais alors un enfant, bercé dans les bras de ma mère.
Nous creusions le sol
Cherchant de l’argile grise pour nos poteries.
C’était il y a longtemps, au sud d’Acoma ;
Je n’en avais jamais été si proche.
J’y ai déjà pensé, dit le Coyote.

Simon J. Ortiz

L’ai-je déjà dit ? Tout est lié. Tout se lie, la trame se tisse, sous mes yeux, sous mes doigts. Et me voilà, encore une fois, point de convergence de multiples fils, point nodal, vibrant dans l’aube.

Par où commencer ? L’enfance – où tant commence ? L’enfance. Deux souvenirs :
Les lentilles. Plat adoré, à condition qu’il ne soit pas trop mijoté, que les petites gousses restent assez fermes pour être égrenées sous la langue. Le plaisir, sensuel, de l’égrenage, qui ne me quittera pas. Car voilà, je ne voulais qu’une chose, moi, c’était plonger les mains dans ce paquet de petites graines, et les sentir couler entre mes doigts. Comme la terre, comme le sable. Plaisir interdit – on ne joue pas avec la nourriture. Devenue grande dans ma propre cuisine, et sans doute pas adulte, je joue, en toute liberté. J’égrène, je soupèse, je sens. Se reconnecter, reconnaître la graine.
Le riz. Les grognes de gosse quand était mis sur la table ce que j’identifiais comme le riz « blanc, collant, gluant ». Mon goût de gosse pour le fameux mélange « riz sauvage », plus ferme encore une fois, coulant sous la langue comme une rivière. Sauvage, mon riz, c’est ainsi que je l’aimais, sans en savoir plus. Lire la suite

Bio-food for thought

Les désirs d’ermitage tirant encore sur une corde de temps rigide parfois comme une laisse, on attrape quelques heures pour gagner du champ libre, laisser derrière soi une humanité qui solde ses angoisses par & pour le stress des rabais du commerce, et prolonger en ces lieux les conversations passionnément menées depuis quelques temps avec deux-trois oeuvres au rythme de mon vélo…

Alone – photo by Mats Almlöf

Petit panier dominical de bio-food for thought, le tout garanti sans OMF (observations mercantilement frelatées) : Lire la suite

Un esprit sain hors des murs porcins

[Je m’excuse par avance auprès de ceux qui liront ce post, pour les horreurs crasses déballées plus bas, et les échos reprenant ou développant le blog précédent. C’était au départ un ‘simple’ commentaire en prolongement de ce qui avait été dit là, et il y avait finalement tellement de matière, tant à dire, que l’article a réclamé un espace indépendant, tout seul comme un grand.
Et par la suite encore, il y aura sans doute beaucoup à dire et à redire. La route est longue encore, et qui sait combien de murs, et de tournants. C’est la vie, en mouvement…]

Dans la famille des choses insupportables à considérer, et qu’il est pourtant, tout autant, ô combien vital de savoir pour réfléchir, choisir, agir en connaissance de cause – Lire la suite

Un chant pour dire la grâce

Et voici donc que Psycheinhell (le blog, pas la girl) se voit doté d’un frère d’errance, un compagnon de route rescapé du désastre myspacien. Après de longues heures à batailler avec les codes et les réglages, j’ai le cerveau un brin fondu de fièvre, et vous passe donc les détails techniques du déménagement, l’essentiel est là de toute façon en pleine vue. Il y aura sans doute deux-trois bricoles à ajuster l’usage, et maybe des rééquilibrages entre Psycheinhell et Psychopompe, le premier débordant depuis un bout de temps de quelques étranges mutations qui me laissent à penser que ce nouveau blog était voué à éclore vaille que vaille. Bref, on verra bien, et ne vous étonnez pas trop si la cartographie des lieux paraît parfois un brin mouvante… Qui vivra verra, qui marchera remarquera ^_^ Lire la suite